1492 : un nouveau monde

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[00:00:34.320 – Patrick Boucheron] Je ne sais pas ce que c’est, une date importante ce que je sais, c’est que la mémoire, peut on faire? On rentre pas dans l’histoire comme ça avec nos gros sabots. On n’ignore justement au filtre de la mémoire de cet événement et c’est pourquoi on ne peut pas dire, bon, bien, voilà, on va parler de 1492 comme si on en avait … on entendait parler pour la première fois.

[00:01:00.060 – Patrick Boucheron] Christophe Colomb, c’est un souvenir d’enfance et par rapport à ce souvenir d’enfance? L’histoire pèse peu. Ce n’est pas parce que un historien va vous dire ça ne s’est pas passé comme ça que vous allez le croire, parce que c’est chargé d’enfance, parce que c’est chargé d’émotion, de passion. Il faut prendre tout ça en compte. Lorsqu’on dit 1492.

[00:01:39.280 – Voix] We’ll call this … the king and queen of Spain.

[00:01:42.930 – Patrick Boucheron] C’est cela, dans notre mémoire collective, la découverte de l’Amérique, un événement qui prend les couleurs de l’enfance. Mais l’année 1492, elle, a une épaisseur, une densité, une complexité qu’il nous faut à présent explorer. L’histoire que l’on a raconté commence par un pied. Un pied posé sur une plage. Mais un pied bien particulier puisqu’il appartient à un navigateur Génois nommé Christophe Colomb. Ce pied foule une terre inconnue, même si le découvreur ne le sait pas encore.

[00:02:31.270 – Patrick Boucheron] Inconnu de qui? Des Européens, bien entendu, ce qui ne nous autorise pas à parler de découverte de l’Amérique, mais seulement de rencontre entre deux mondes qui s’ignoraient mutuellement. Alors, le 12 octobre 1492, est ce que c’est ça l’événement de l’année? Christophe Colomb qui pose le pied sur une plage? Je ne crois pas. D’abord, il faut se souvenir que l’évènement retentissant de cette année monde, c’est le 2 janvier. Le 2 janvier, la prise de Grenade où Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, ce qu’on appelle les rois catholiques, mettent la main sur le dernier réduit Musulman en péninsule Ibérique, qui est évidemment une nouvelle extraordinaire pour le monde, comme va avoir aussi un impact retentissant leur décision du 31 mars d’expulser les Juifs. Et le 12 octobre, c’est au fond la troisième date de cet évènement monde qui’est l’année 1492. Et c’est dans l’effet de souffle de ces deux dates précédentes que doit être compris le voyage de Christophe Colomb. Cette année là, Jorge de Aguiar dessine cette carte qui représente le monde connu au 15ème siècle.

[00:03:53.600 – Patrick Boucheron] Connaissance frauleuse, en réalité, qui ne se montre précise qu’à l’abord du liseret co^tier à la manière des portulans dont se servaient les pilotes des navires. Seules quelques villes ibériques sont représentées Lisbonne, Séville et Grenade, où tout se joue cette année là. Mais la ville est flanquée d’une autre plus petite, fondée par les Rois catholiques pour l’assiéger. On construisit donc cette ville neuve comme un défi face à Grenade, sur le modèle d’un camp militaire Romain son nom Santa Fé.

[00:04:32.530 – Patrick Boucheron] Face à l’entrelacs de ruelles de la ville arabe, la cité où Cordoue qu’ils assiègent et l’ordonnent raide et droite, rue coupantes, c’est une autre vision de l’ordre du monde. C’est à dire aussi de la manière de gouverner les hommes. Or, c’est elle qui s’appliquera bientôt au nouveau monde. Le conquistador y imposera partout ce modèle d’une ville orthonormée et en même temps que cette forme géométrique. Le nom qu’il a consacré Santa Fé, la sainte foi, proclamations de gloire. Au Nouveau Mexique, en Argentine, en Colombie, dont la capitale actuelle, Bogota, est fondée comme Santa Fé de Bogota. Partout des Santa Fé.

[00:05:55.960 – Patrick Boucheron] Celui d’avant d’Amérique, on le décrit depuis l’antiquité comme un monde fini, formé de trois parties connectées entre elles et entourées de mers. Les mappemondes médiévales le représentent, tel que marchands et voyageurs le parcours. Mais tel aussi qu’ils le rêvent. C’est le cas de Marco Polo et de toute cette littérature des merveilles du monde que Christophe Colomb a lu avec passion.

[00:05:56.160 – Voix] Then one day, …

[00:06:22.270 – Patrick Boucheron] Cette image, en revanche, est bien le fruit de notre imagination contemporaine. Car contrairement à une légende tenace, ce n’est pas Christophe Colomb qui a prouvé la sphéricité de la Terre à des savants médiévaux, s’obstinant à la croire platte. J’ai toujours lu que le monde, terre et eau, était sphérique, écrit Christophe Colomb dans son journal de bord. Mais c’est pour ajouter ensuite. Maintenant, j’ai découvert qu’il n’était pas rond, mais de la forme d’une poire. Ou bien comme une balle toute ronde sur laquelle serait placée comme un téton de femme.

[00:07:01.520 – Patrick Boucheron] Et son téton serait la plus haute montagne et la plus proche du ciel. Étrange découvreur dont les observations l’éloigne du réel pour le rapprocher de son propre rêve. Plus sagement, le géographe Martine Benaïm nomme “pomme” le globe qu’il achève le 17 juin de cette même année 1492 à Nuremberg. C’est le premier conservé. On y voit notamment combien l’Atlantique paraît étroit entre l’Europe et l’Asie. Depuis le cap vers les Açores d’une part, jusqu’à la masse de Zipangu.

[00:07:47.200 – Patrick Boucheron] D’autre part, Zipangu. C’est ainsi que Marco Polo avait désigné l’archipel japonais. Martine Benaïm a représenté un éparpille monde, petite ville issue du légendaire médiéval. Vous voyez, c’est presque un gai, une invitation au voyage. Ce qu’on va apprendre à l’école, c’est très simple, c’est que 1492, c’est la découverte de l’Amérique et en même temps et du même geste, l’avènement de la modernité. Ça veut dire au fond qu’on passe, tout simplement, du Moyen Âge aux temps modernes et qu’on y passe à l’aide d’une geste héroïque, glorieuse qui a à voir avec la rationalité occidentale.

[00:08:32.800 – Patrick Boucheron] Mais alors, elle est à quel prix cette modernité? C’est bien la question. Quand on prend l’épaisseur de l’année 1492, en compte, c’est à dire avec en même temps le 2 janvier, le 31 mars et le 12 octobre. Dans la nuit du 1er au 2 janvier, la citadelle de l’Alhambra tombe enfin et avec elle Grenade, le dernier verrou de l’Espagne musulmane. Ces vainqueurs sont Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille. Leur mariage, vingt ans plus tôt, a scellé l’union des deux couronnes ibériques.

[00:09:10.870 – Patrick Boucheron] C’est un prince qui se rend. L’émir Abu Abd Allah Muhammad az-Zaghall, dit, l’infortuné, dont l’Occident se souviendra sous le nom de Boabdil.

[00:09:37.210 – Patrick Boucheron] On pleurera longtemps en terre d’islam la splendeur des Andalousies perdues. Il est un col qui domine Grenade et que l’on nomme aujourd’hui le soupir du maure. De là, Boabdil se serait retourné une dernière fois sur ce qu’il avait perdu. Ce qu’il avait perdu un État, d’abord puissant et prospère. Un État fondé sur l’hydraulique savante de sa culture irriguée.

[00:10:13.600 – Patrick Boucheron] Un État qui se mirait dans la splendeur fragile des jeux d’eau de l’Alhambra. Visitant en 1494 un voyageur allemand s’émerveille. Tout est si magnifique, si majestueux, si délicieusement travaillé que celui qui le contemple peut se croire au paradis. Le paradis désignant également le jardin dans la culture arabo-persane. Saisi par la beauté de la ville qu’il venait de conquérir, les rois catholiques souhaitèrent la conserver comme un trophée. Ainsi, la reconquête réalise-t-elle ce paradoxe de conserver presque en la fossilisant la seule ville palatiale de l’islam que l’on puisse admirer aujourd’hui dans son intégrité. Elle lègue à l’imaginaire européen le rêve oriental d’un temps qui s’était figé.

[00:11:46.870 – Patrick Boucheron] Mais avant cela, les Rois catholiques poursuivent avec ardeur leur quête de la sainte foi. C’est à Grenade qu’ils ont reçu la reddition de Boabdil. C’est encore à Grenade qu’ils ordonnent l’expulsion des Juifs de leur royaume d’Aragon et de Castille. Il leur donne jusqu’au 2 août pour choisir la conversion ou l’exil.

[00:12:12.910 – Patrick Boucheron] Alors, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que bien sûr, avant 1492, il y a des expulsions, il y a des pogroms. Il y a cette histoire longue, désespérante, en somme, de l’anti judaïsme européen. Ce n’est pas la première fois, d’accord, mais en même temps, le décret d’expulsion des Juifs d’Espagne, c’est vraiment un coup de hache dans cette histoire deux fois millénaire de la présence du judaïsme en Espagne. Parce que là, pour le coup, ils doivent partir. Ils partent quelques semaines, quelques mois après le décret du 31 mars. Ils fuient vers où, vers l’Italie, vers, Rome, mais c’est souvent une terre de transit vers l’empire Otoman.

[00:12:53.470 – Patrick Boucheron] Ils commencent ce grand exil qu’on appelle la diaspora séfarade. Dans la chapelle royale de Grenade, les mausolées des rois catholiques comptant le retable, qui mettent en images la prise de grenade et la conversion des juifs, car cette guerre est aussi une guerre d’images. Il s’agit de montrer immédiatement ou mourir en direct qu’une nouvelle Espagne catholique est en train de naître si l’on ne prend pas la mesure de cette fièvre d’exaltation religieuse. On ne comprend pas pourquoi les rois catholiques se laissèrent finalement convaincre par le projet du navigateur génois Christophe Colomb.

[00:13:40.190 – Patrick Boucheron] Pendant très longtemps, on s’est fait de Christophe Colomb l’idée d’un navigateur intrépide et calculateur. Un héros de la raison. Et aujourd’hui, on a presque tendance à voir les choses à l’envers, à y voir un héros de la déraison, d’une déraison médiévale. Il a lui même enfiévré de mysticisme. Il attend la fin des temps. Il veut la précipiter, même peut être. Il veut aller poursuivre la croisade par d’autres moyens. Il y a chez Christophe Colomb, bien sûr, qui cherche à s’enrichir.

[00:14:15.920 – Patrick Boucheron] Évidemment, il veut du pouvoir. Pourquoi pas découvrir des terres, mais aussi de manière ardente, cette volonté de poursuivre plus loin et par d’autres moyens, l’effort chrétien, d’évangélisation et de conquête.

[00:14:34.840 – Patrick Boucheron] À partir d’avril, Christophe Colomb va négocier les conditions de son voyage. C’est ce que l’on appelle les capitulations de Santa Fé. Aujourd’hui, si je vous dis capitulation, ça veut dire reddition sans condition. Capituler veut dire abandonner. C’est le contraire que ça veut dire, en fait, puisque des capitulations, ça veut dire des chapitres. Les chapitres de quoi? D’une négociation où on va régler les détails de ce voyage. Il faut le financer. Il faut l’organiser. Il faut prévoir par avance s’il y a des gains comme on va les distribuer. Tout cela, ça se discute et ça se discute pied à pied.

[00:15:13.160 – Patrick Boucheron] Dans les termes mêmes des capitulations de Santa Fé, il était prévu que Christophe Colomb relate aux rois catholiques et aux rois catholiques, seuls à son retour, les conditions de son voyage. On sait qu’à Barcelone, il a donné un document aux rois catholiques. Ce document a été perdu. On sait aussi que les rois catholiques ont donné en retour une copie de ce document à Christophe Colomb. Cette copie également a été perdue, mais dans des conditions un peu particulières.

[00:15:42.740 – Patrick Boucheron] On a la copie de cette copie et c’est ce qu’on appelle le journal de bord de Christophe Colomb. Mais évidemment, il faut s’interroger sur Qu’est ce qu’on a sous les yeux, par exemple, parfois dans ce journal de bord supposé de Christophe Colomb? Il parle à la première personne et parfois, il parle à la troisième personne. L’amiral dit que c’est bien que quelqu’un l’a recopié. Donc, en fait, le journal de Christophe Colomb n’est pas tout à fait un journal de bord et les capitulations de Santa Fé? Ce n’est pas non plus le document qu’on attend ou qu’on imagine, donc tout est plus compliqué au fond dans le dossier documentaire de 1492. Il ne faut pas désespérer. Je dirais que c’est le lot commun ordinaire des historiens confrontés à un évènement à partir de sa reconstitution mémorielle.

[00:16:39.140 – Patrick Boucheron] En 1992, à l’occasion de L’exposition universelle de Séville et du 50ème anniversaire du voyage de Colomb, on a reconstruit les trois caravelles ayant participé à l’expédition. L’histoire que l’on a raconté est d’emblée elle aussi une reconstitution. Santa Maria, Pinta, Niña. Les trois caravelles quittent le port andalou de Palos le 3 août. Elles font relâche aux Canaries, puis commence la longue traversée de l’Atlantique.

[00:17:17.590 – Patrick Boucheron] A la suite d’une invraisemblable série d’erreurs de calcul et d’une lecture opiniâtre de quelques livres, le navigateur génois avait donc réussi à se convaincre que le monde était moins grand qu’on ne le croyait. S’il avait bien calculé la distance, il n’y aurait jamais été d’une certaine manière, c’est ce qui sauve, c’est ce qu’il sauve de l’angoisse, d’abord. Lorsqu’on lit le journal de bord de Christophe Colomb, on ne lit rien qui ne trahisse l’angoisse ou l’inquiétude de se livrer à l’inconnu ou à l’immensité.

[00:17:55.380 – Patrick Boucheron] Dix jours après avoir quitté les Canaries et mis le cap plein ouest des vols d’oiseaux ou des algues qui ressemblent à des herbes fluviales, le persuade qu’il est proche Bill. Le 17 septembre, une voix, un crapaud. Le surlendemain, un albatros la terre est proche. Il en est persuadé. Les marins sont au bord de la mutinerie et veulent changer de cap.

[00:18:31.210 – Voix] We will not turn back …

[00:18:45.510 – Patrick Boucheron] Le 12 octobre, enfin, il touche terre. C’est une toute petite île que Christophe Colomb nomme immédiatement San Salvador. Il vit un drame sacré. Enfiévré de mysticisme, il croyait revivre l’exode. Le voilà qui rejoue l’apocalypse et accoste au paradis. On lit dans le Journal de Colomb. Ils vont nus, tels que leur mère les a enfanté. Même les femmes et tous les hommes que j’ai vu étaient jeunes. Aucun n’avait plus de 30 ans. Ils étaient tous très bien faits, très beaux de corps et très avenants de visages.

[00:19:37.020 – Patrick Boucheron] Ils ne portent pas d’armes et semblent en ignorer l’usage lorsque je leur montrer une épée. Ils apprirent par la lame et se blessèrent. En fait, ce journal de bord de Christophe Colomb, on le connaît parce que Bartolomé de Las Casas, bien plus tard dans son Histoire des Indes, en a retranscrit de larges extraits.

[00:19:59.810 – Patrick Boucheron] Mais lui même, il avait une idée derrière la tête. Bartolomé de Las Casas, c’est quelqu’un, c’est l’évêque qui passe, c’est quelqu’un qui proteste vigoureusement contre les massacres des conquistadors en Amérique. Il a l’idée de, au fond, de décrire Christophe Colomb comme l’âge d’or de la conquête, son innocence perdue.

[00:20:26.140 – Patrick Boucheron] Temps suspendu où l’on veut encore croire à l’innocence de l’échange, à l’honnêteté du dénouement, à la possibilité d’une rencontre. C’est tout cela que donnent à voir ces images du 16e siècle, alors que les massacres des conquistadors ont brisé depuis longtemps ce rêve d’un âge d’or. Le 21 octobre, il poursuit son voyage et met le cap vers une grande île. C’est Cuba. Enfin, disons que nous savons aujourd’hui que Cuba, mais Christophe Colomb n’est disposée à reconnaître que ce qu’il a lu dans Le livre des merveilles de Marco Polo.

[00:21:11.530 – Patrick Boucheron] Les Indiens lui disent shibao d’où vient notre Cuba et que l’on entend Zipangu, le nom que Marco Polo donnait au Japon, où il prétend que les maisons ont des toits en or, ce qu’il fait miroiter à ses lecteurs la promesse de l’or, de la conversion, de la croisade. Cette croisade qui se poursuivra, il en est persuadé, pour purifier l’Espagne et parachever la chrétienté.

[00:21:43.010 – Patrick Boucheron] Est ce que Colomb a un moment donné, va comprendre qu’il n’est pas là où il pense être? Ce n’est pas évident parce qu’en fait, à chaque fois que les indigènes lui disent quelque chose, eh bien il reçoit. Il entend ce mot comme si, au fond, il avait raison. Par exemple, à un moment, on lui dit n’allez pas plus loin parce qu’il y a des cannibales.

[00:22:08.710 – Patrick Boucheron] Mais attention! Ils mangent des hommes et de fait, le mot cannibale vient de cet être anonyme cannibale. Mais non, Colon entend peuple du Grand Chénghuà. l’Empereur de Chine qu’il veut rencontrer. Marco Polo n’a jamais dit qu’il était anthropophages, donc c’est que les indigènes se trompent. Colomb et ses compagnons rembarque le 2 janvier 1493 pour arriver le 4 mars à Lisbonne avec la certitude d’avoir touché le bord du Japon.

[00:22:48.750 – Patrick Boucheron] Et pendant ce temps là, dans le monde, au chapitre de l’actualité heureuse, la duchesse Anne est couronnée reine de France à l’abbaye de Saint-Denis, le 8 février. Deux mois plus tôt, son mariage avec le roi Charles 8, rattaché au royaume, le duché de Bretagne. Florence meurt. Laurent le Magnifique, le protecteur de Léonard de Vinci, qui dessine probablement en cette même année le fameux Homme de Vitruve. Faisant du corps humain la mesure de toute chose. Mais il est d’autres princes brillant dans le monde. Ce sont des princes sans portrait. Connaissez vous Sony Alibert, maître de l’empire songhaï, qu’il a grandi depuis Gao, sa capitale, jusqu’à Djenné et Tombouctou, la grande et belle et docte Tombouctou?

[00:23:42.690 – Patrick Boucheron] Il était l’un des plus puissants souverains de son temps. Tout comme d’Ahmad Tchéky, roi bâtisseur du royaume bouddhiste de Pégou, au sud de la Birmanie actuelle, et qui meurt également durant cette année 1492. A la fin de l’année, Martine Alonso Pinzon, qui fut le pilote indocile de Colomb, meurt d’une maladie inconnue.

[00:24:09.750 – Patrick Boucheron] C’est probablement la syphilis. Ce mâle américain qui allait ravager l’Europe, tandis que les conquistadors apportaient avec eux la grippe et d’autres virus qui répandait la mort parmi les Indiens. l’Unification microbienne du monde avait commencé. L’année 1492, en tout cas, c’est comme ça qu’on l’enseigne à l’école. C’est le pli entre Moyen Âge et temps modernes. Ça veut dire qu’après Christophe Colomb, on entre dans une autre histoire. Ce n’est pas seulement qu’on accède au Nouveau Monde, c’est que ce nouveau monde est aussi le lieu d’un temps nouveau.

[00:24:49.360 – Patrick Boucheron] Mais ce n’est pas si évident puisque Christophe Colomb, on l’a vu, il est enfiévré de mysticisme médiéval puisque il a lu les livres du Moyen-Âge. Et puisque si on y réfléchit, l’histoire après lui de la colonisation américaine est aussi celle d’un Moyen-Âge fiévreux, féodal et conquérant. Ce qui prend pied en Amérique, c’est pas du tout une Europe moderne, humaniste, tolérante. C’est la foi obtuse et lue du moyen. Moi, c’est peut être parce que je suis médiéviste, mais je trouve que tout est médiéval en 1492.

 

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