Les mots de l’actualité

La Fuite

https://francaisfacile.rfi.fr/fr/podcasts/les-mots-de-l-actualit%C3%A9/20230412-fuite-et-fuiter

Le mot de l’actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.

Un « nombre significatif » des documents qui ont fuité ces dernières semaines ont été falsifiés. C’est ce qu’on nous déclare sur l’antenne de RFI. L’information est importante, mais surtout, elle prouve bien que ce verbe fuiter, il existe et il est compréhensible à peu près pour tout le monde. Il est présent dans les dictionnaires courants, les dictionnaires français hein, et il a une signification que beaucoup de gens connaissent et comprennent assez spontanément : une information qui fuite, un rapport, un mémoire qui fuite, qu’est-ce que ça veut dire ?

Eh bien, cette information, ce rapport ou ce mémoire était censé rester confidentiel ou même secret, même peut-être ultra secret, et voilà qu’il apparaît aux yeux de tout le monde. Ce qui veut dire évidemment qu’on les a retrouvés d’abord au courrier des organes de presse qui se sont précipités bien souvent pour diffuser ou divulguer, faire connaître au grand public ce qui devait rester l’apanage d’un petit nombre. Et c’est bien ça qu’on appelle une fuite. Et c’est à partir de ce nom qu’on a forgé le verbe fuiter. Des mots intéressants parce qu’ils sont expressifs. Est-ce qu’il s’agit vraiment d’une onomatopée ? Pas loin, presque. On sait que ces fuites, dans les sens qui nous occupent, eh bien c’est une extension d’un usage, une extension figurée, parce qu’au départ, une fuite, ça peut affecter un liquide ou un gaz qui s’échappe de son contenant : une casserole qui a un trou ou une piscine qui a une fissure ou bien un tuyau et pffffuit… L’eau, le pétrole ou le gaz peuvent s’échapper en faisant justement « pffffuit ». C’est ça qu’on imagine en tout cas. Et le son qu’on va associer à cette action, ce chuintement caractéristique, va faire naître ce nom de fuite. Alors, vous allez me dire : fuite, d’abord, c’est un nom français qui dérive du latin fugere, bien sûr, mais le nom a profité de ce hasard de sonorité pour s’installer dans cet usage et remplacer le mot échappement par exemple, qui est plus long, qui est plus plat et beaucoup moins évocateur.

La fuite, donc, était née et le sens dérivé qui ne concerne que des documents sensibles. Bah, il n’est pas si récent puisqu’on le trouve déjà à l’époque de l’affaire Dreyfus, c’est-à-dire à l’extrême fin du XIXᵉ siècle. Mais à ce moment-là, on ne parle pas encore d’une information qui fuite. Fuiter est un verbe qui a été inventé plus récemment à partir de situations précises d’ailleurs : les sujets d’examen communiqués à certains candidats débrouillards, peu scrupuleux, avant les épreuves. On parle des fuites au bac. Bien entendu, il évoque cet emploi alors que le verbe fuir, bien plus ancien, correspondait à l’idée de fuite traditionnelle. Mais à partir de la fuite, on a donc deux verbes le verbe fuir pour l’évadé, par exemple, qui fuit, qui s’enfuit, et le verbe fuiter pour l’information qui est communiquée à des gens qui n’auraient jamais dû l’avoir.

La Silicon Valley Bank

https://francaisfacile.rfi.fr/fr/podcasts/les-mots-de-l-actualit%C3%A9/20230314-silicon-valley

Le mot de l’actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.

La Silicon Valley Bank, c’est-à-dire la banque de la Silicon Valley, bah elle ne va pas très bien cette banque, elle bat de l’aile. De quoi alimenter les inquiétudes pour tous ceux qui sont liés à cet établissement bancaire, en particulier beaucoup d’entreprises californiennes installées dans cette petite région, la Silicon Valley. Des entreprises en général tout à fait prospères, dont le développement a été rapide et lié aux nouvelles technologies. Et en effet, la Silicon Valley Bank, eh bien, elle a travaillé essentiellement avec des firmes qui étaient situées dans ce petit périmètre dont le nom s’explique par une particularité.

Silicon Valley, ça peut se traduire en français par vallée du silicium, mais on la nomme en général avec cette expression anglaise. Son surnom, elle le doit à un journaliste qui l’a inventé ou qui l’a repris, même s’il existait déjà au tout début des années 70. Et cette région, elle a connu une mutation économique importante depuis une cinquantaine d’années. Elle est devenue le berceau de nombreuses sociétés innovantes qui ont fleuri grâce à l’éclosion de ce qu’on appelle les nouvelles technologies. Tout ça multiplié bien sûr par la floraison d’Internet. Et ces entreprises, elles ont beaucoup travaillé à partir de machines nouvelles qui fonctionnent à l’aide de ce qu’on appelle les semi-conducteurs. Et ces éléments, le plus souvent, ils sont fabriqués à partir de matériaux de base, comme le germanium qui est un petit peu abandonné, et surtout le silicium. Le silicium, c’est-à-dire silicone en anglais. Et c’est bien ce matériau qui a été choisi, par exemple pour la fabrication des transistors, qui a permis l’élaboration de ces petits postes de radio très populaires. Et puis ensuite, le silicium a été très utilisé pour élaborer de nombreuses petites pièces essentielles aux instruments électroniques. Donc, même si on extrait pas de silicium du sol de cette petite région, la vallée du sud de San Francisco, en Californie, aux États-Unis, eh bien, elle est devenue grosse consommatrice de cet élément qui est très proche du métal sans en être vraiment un.

Et l’incroyable succès de ces jeunes pousses, de ces start-up, comme on dit en anglais, ces entreprises souvent parties de rien, presque sans apport initial, sans capital, installé par de tout jeunes ingénieurs audacieux parfois dans le garage familial. Eh bien, c’est ce succès qui est à l’origine de ce nom la Silicon Valley. En français, à côté du mot silicium, un terme évidemment scientifique qui d’ailleurs a gardé sa terminaison latine, on trouve le mot silicone pour dérivés du silicium. Et d’ailleurs, la chirurgie esthétique s’en sert en particulier pour gonfler les muqueuses, et c’est ainsi que parfois on entend parler de lèvres siliconées ou parfois de seins siliconés lorsqu’on augmente leur volume artificiellement.

Iconique

https://francaisfacile.rfi.fr/fr/podcasts/les-mots-de-l-actualit%C3%A9/20230313-iconique

Le mot de l’actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.

Iconique, voilà bien un mot tout à fait à la mode aujourd’hui. Et d’ailleurs, l’institution France Terme ne s’y est pas trompée puisque récemment elle a mis en avant cet adjectif « iconique » et d’ailleurs le nom qui en est à l’origine « icône » pour les expliquer tous les deux. Et en effet, en ce moment, on a bien besoin d’admirer. Le mot « icône » désigne ce qui est le plus représentatif dans une famille, dans un ensemble, mais en même temps, ce qui est le plus réussi, ce qui est le mieux, c’est-à-dire ce qui se prête à l’admiration. Alors, est-ce que c’est parce que ce mot se termine par la syllabe « cone » qu’il évoque ce qu’il y a tout en haut, le cône, le haut d’une pyramide, ce qui se fait de mieux dans un certain genre ? Non, il n’est pas sûr que cette explication soit la bonne, mais on peut y penser.

Mais ça ne nous empêche pas de revenir à l’origine du mot. « Icône » ça vient du grec et au départ, le terme signifie image et puis c’est passé en russe où l’icône a désigné une peinture religieuse, une peinture sur bois colorée à l’aide de pigments qui sont souvent délayés avec du jaune d’œuf pour présenter de façon assez immobile, assez hiératique, des personnages du panthéon chrétien : des saints, des saints, la Vierge, le Christ qu’on révère et qu’on admire parmi les chrétiens. Et on comprend bien comment, à partir de cette admiration, le mot a pu renvoyer à celui ou à celle qui symbolise ce qu’il y a de mieux dans un genre. Et en fait, l’icône c’est pas si loin de l’idole. Et ainsi on entend parler de l’icône de la chanson, comme on a parlé de l’idole des jeunes, c’était Johnny Hallyday au début des années 60. On parle de l’icône du rap, de l’icône du rock, de l’icône du football. Et à partir de cet emploi se comprend l’adjectif iconique récemment formé, qui reprend quelques-uns des échos d’un autre adjectif, ancien et très à la mode aussi, qui est « emblématique ». Iconique ou emblématique, c’est presque la même chose.

Alors revenons aussi à notre icône qui a suivi plusieurs chemins. Empruntés à l’anglais, avec une orthographe qui le plus souvent change légèrement, on entend parler de icone sans l’accent circonflexe sur le haut, alors que l’icône qui vient du russe, et plus anciennement du grec on le disait, a un circonflexe sur le o. Et cette icône a une signification tout à fait différente qui est liée aux techniques contemporaines. C’est la petite image qui, sur un écran d’ordinateur par exemple, représente une fonction qu’on peut activer. C’est sur ce petit dessin qu’on peut cliquer pour faire avancer le processus.

Et puis un dernier mot sur le riche destin de cette famille de mots, icône se souvient de son sens d’origine : image quand on le retrouve en composition et qu’il nous donne le mot iconographie. Et une iconographie c’est tout l’ensemble des illustrations qu’on peut utiliser dans une publication, dans un livre.

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