[00:15] – Badinter
J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale, l’abolition de la peine de mort en France. [00:25] – Orateur
Évidemment, Badinter, c’est d’abord cela l’abolition de la peine de mort, 17 septembre 1981 discours devant l’Assemblée nationale. À l’époque, il est garde des Sceaux de François Mitterrand. Le président l’a annoncé la peine de mort sera abolie. [00:39] – Mitterrand
Je suis contre la peine de mort. [00:41] – Orateur
Robert Badinter en a fait le cœur de son action, quitte à devenir le ministre de la Justice le plus détesté de l’histoire. [00:48] – Badinter
Parce que lorsqu’on refuse la peine de mort, on proclame absolument que la vie est sacrée. [00:55] – Orateur
Cette détermination ne vient pas de nulle part. De son enfance d’abord, le 9 février 1943, il n’a que quinze ans lorsque son père est déporté. Simon ne reviendra jamais du camp de Sobibor. Bien plus tard, alors qu’il est devenu avocat, une deuxième injustice forge son obsession pour l’abolition de la peine de mort. C’est la défense de Roger Bontemps. L’homme est condamné à mort alors qu’il n’a pas tué. Dans son livre, L’exécution, Badinter raconte ce qu’il n’oubliera jamais le claquement sec de la lame sur le butoir. Par la suite, il défend et sauve six condamnés à mort, dont le plus célèbre Patrick Henry. [01:32] – Mitterrand
La France a peur. Chaque mère, chaque père a la gorge nouée quand il pense à ce qui s’est passé à Troyes. [01:38] – Orateur
Son obsession le suit jusqu’à son domicile. Il y collectionne les documents historiques autour de la peine de mort, dont un exemplaire de sa propre loi offert par François Mitterrand. Autre engagement, autre combat la lutte pour le droit des homosexuels. A l’époque, la majorité sexuelle n’était pas la même pour tout le monde, à quinze ans pour les hétérosexuels, mais 18 pour les homosexuels. En 1982, Robert Badinter fait annuler cet alinéa hérité du régime de Vichy. [02:08] – Badinter
L’assemblée sait d’ailleurs quel type de société dans l’histoire et aujourd’hui encore. Toujours marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme ou le racisme, a constamment pratiqué la chasse à l’homosexualité. [02:29] – Orateur
En 95, il écrit même une pièce de théâtre sur le sujet. C’est 33, le numéro de prisonnier d’Oscar Wilde. Il y raconte l’histoire de l’écrivain condamné à deux ans de travaux pour homosexualité. Robert Badinter avait un autre cheval de bataille les prisons. En 1982, il supprime les quartiers de haute sécurité, donne trois ans plus tard le droit aux détenus d’avoir une télé en cellule et réforme la médecine carcérale en 1994. Plus tard, il prend également position contre la rétention de sûreté, c’est à dire contre l’internement des criminels, pour la seule raison qu’ils sont considérés dangereux. [03:06] – Badinter
On va en prison pour des actes, des crimes qu’on a commis, pas pour ce qu’on est. Pas au nom d’une dangerosité, là, indiquée par des psychiatres, pas au nom de de tests ou d’entretiens. [03:19] – Orateur
Pourtant, Badinter ressort de ce combat relativement découragé. [03:23] – Badinter
Tout ce que j’aurais souhaité faire, je n’ai pas pu le faire. C’est vrai, et c’est vrai que les prisons françaises ne sont pas, selon moi, ce qu’elles devraient être pour un pays comme le nôtre. [03:33] – Orateur
Devenu président du Conseil constitutionnel, puis sénateur, il poursuit ses luttes. Il s’engage auprès du Dalaï-Lama pour le Tibet, contre l’entrée de la Turquie en Europe où, malgré son histoire personnelle pour la liberté de Maurice Papon, Robert Badinter était indéniablement un homme de combat.