[00:38] – Jean-Pierre
Bonjour et bienvenue dans le monde des musiciens du vendredi où nous retrouvons un de nos complices favoris, le plus grand pianiste franco-écossais de l’époque, Roy Howat. Bonjour, bonjour et merci. Alors, on va s’occuper d’un de vos musiciens favoris. Il y en a trois. On est tombé aujourd’hui, c’est pour ça que vous venez chez nous. Peut-être qu’il y en a d’autres, on verra. Mais en l’occurrence, il s’agit de je vous dis pas de qui c’est parce qu’on va commencer par autre chose. On va commencer par de la musique russe.
[03:21] – Jean-Pierre
C’était le début d’Islamey de Balakirev par un pianiste britannique, Terence Judd, qui est mort en 1979, qui était né en 57. Pourquoi, Islamey ? Il faut peut-être vous dire quand même qu’on va parler des Miroirs de Ravel pour piano.
[03:40] – Roy
Parce que ça me semble un morceau presque au centre d’une sorte de toile d’araignée musicale d’œuvres écrites à Paris au début du XXᵉ siècle par Ravel et Debussy, et d’autres aussi de Séverac, pour Ricardo Viñes. Viñes venait de rentrer d’une tournée russe au début du siècle où il avait rencontré Balakirev et il est rentré avec une nouvelle édition Islamey. Et il l’a mis sur ses programmes presque tout le temps, pendant quelques années. On y entend des échos. Les mesures de Clôture de cette première partie sont citées presque directement, pour exactement le même moment de grands travaux de Ravel. On trouve des figurations, on dit … Voilà, c’est la figuration qui débute, les Miroirs de Ravel. On a … Ça pourrait être également … Et on est dans l’Île Joyeuse de Claude Debussy.
[04:54] – Jean-Pierre
Alors le premier personnage que vous convoquez, c’est donc Islamey. Mais on sait que Debussy comme Ravel, au moins là-dessus, il était d’accord. Il était complètement toqué de musique russe. Et puis en voilà un autre qui est hongrois, on va dire franco-hongrois, franco-italo-hongrois, c’est Liszt avec Waldesrauschen, ça veut dire Les murmures de la forêt. Oui, un peu.
[05:19] – Roy
Et je trouve qu’il y a toujours Liszt et Chopin également derrière, Balakirev. Il adorait les deux.
[06:01] – Jean-Pierre
Waldesrauschen de Liszt par Gyorgy Cziffra. Donc ça, c’est ce qu’on appellera la tradition franco-russe, Chopin ou Lisztienne, de Ravel et de Debussy. Alors, ce qui nous occupe aujourd’hui, Roy avec vous, ce sont les Miroirs de Maurice Ravel. Alors quelques dates tout de même, ça a été écrit fin 1904, fin 1905. Oiseau Triste a été joué par Ravel chez la célèbre Madame de Saint-Marceaux, pour laquelle on pourra peut-être faire une émission un jour. On pourra peut-être la sortir de son tombeau parce qu’elle a des choses à dire sur la musique. Et c’était le 6 janvier 1905. Et puis l’intégrale des cinq pièces a été faite le 6 janvier 1906, salle Erard par Ricardo Viñes dont vous parliez à l’instant, Roy. Les titres Noctuelle, Oiseau triste, Une barque sur l’océan, Eldorado, le fuseau et la vallée des cloches. Ça fait un bizarre mélange tout ça, non ?
[07:02] – Roy
Tout à fait. C’est un mélange symboliste qui reflète les Amis de Ravel auxquels ces morceaux sont dédiés. C’est le groupe qui s’appelait Les Apaches. Attention aux Apaches, disait quelqu’un un jour, comme un groupe de garçons, presque pas rempli d’enthousiasme pour des choses comme Pelléas et Mélisande. Mais je crois que c’est un jeu de mot aussi sur apassionatto. Les passionnattos …
[07:28] – Jean-Pierre
Les Apaches dans cette période-là, en France, à Paris, ce sont les mauvais garçons qui sont un peu proxénètes, un peu voyous, qui ont le couteau facile. Mais évidemment, dans le cas de Ravel, c’est symbolique comme …
[07:40] – Roy
C’est la passion de la bonne nouvelle musique et.
[07:45] – Jean-Pierre
Noctuelle.
[07:47] – Roy
Oui, les insectes de la nuit, c’est un morceau de forme ternaire, les parties externes. On entend déjà les échos de l’Islamley de Balakirev, mais ce sont les …
[08:04] – Jean-Pierre
Papillons.
[08:05] – Roy
Les papillons, les papillons de nuit. C’est le titre. Et à la partie centrale, on a quelque chose. On a des échos, comme toujours de Chabrier et une cloche qui sonne.
[08:34] – Roy
Qui devient Ravel. Un peu de manière Massenet et Puccini.
[08:47] – Roy
Comme la sonatine qu’il venait de composer. Mais …
[08:57] – Roy
Et puis on a le moment qui vient de Chabrier.
[09:07] – Roy
Le pendule.
[09:12] – Roy
La mélodie en quarte.
[09:16] – Roy
Ça vient directement de l’idylle de Chabrier que Ravel adorait.
[09:29] – Roy
Ce sont les mêmes, les mêmes éléments. Plus mélancolique dans ce cas.
[09:37] – Jean-Pierre
Si vous parlez, Roy, de cloches .. peut être que c’est déjà le glas de Gaspard qui traîne dans la tête de Ravel.
[09:45] – Roy
Pour Ravel, qui parlait toujours d’Edgar Allan Poe, en effet, c’est le glas. Mais je crois qu’il est bon de ne pas lire ça. Trop de. Sur un plan trop personnel. C’est à dire ? Il aimait le son parce que ça évoquait des choses, un peu comme le Raven de Edgar, le corbeau.
[10:06] – Jean-Pierre
Alors on va écouter maintenant les nocturnes.