La France, entre puissance et peur du déclin

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[00:16] – Emilie

Ravi de vous retrouver pour ce nouveau numéro du dessous des cartes. Nous démarrons cette émission à Paris sur les Champs Elysées avec la photo d’une tradition bien française, le défilé militaire du 14 juillet, ou comment la célébration de la prise de la Bastille en 1789 est progressivement devenue fête militaire. Notamment à partir de 1880, le président de l’époque, Jules Grévy, souhaitant mettre en scène le redressement de la France après sa défaite contre l’Allemagne. « La France ne peut être la France sans la grandeur », écrivait en 1954 le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre. Cette grandeur française est, vous le savez, un thème récurrent dans les discours de la plupart des candidats à la présidentielle, de même que la figure du général, souvent invoquée.  Au-dessous des cartes, on a voulu évaluer la juste place de la France dans le monde du XXIᵉ siècle. Économie militaire, diplomatie, art gold et soft power, voici la France entre puissance et peur du déclin. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France est parvenue à maintenir son rang sur la scène internationale.

[01:26] – Emilie

Voyons comment elle est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Au même titre que les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Royaume-Uni. Comme ses quatre partenaires, elle dispose mais aussi de l’arme nucléaire, ce qui lui octroie une place prépondérante dans la géopolitique mondiale. Même si, avec 67 millions d’habitants, la France pèse peu face aux 1,4 milliard de chinois, ou face aux 332 millions d’Américains. Si l’on regarde le PIB à présent, la France est également loin derrière les Etats-Unis ou la Chine, mais elle se classe tout de même. Même en septième place, non loin de l’Allemagne, quatrième place, mais après le Royaume-Uni et l’Inde, qui lui ont ravi sa cinquième puis sa sixième place. La France, c’est aussi une économie qui continue d’attirer avec dans le top cinq des pays investisseurs, les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et les Pays-Bas. Autre caractéristique de l’économie française sa dette. La dette publique française a atteint 115% du PIB en 2020. Là où l’Allemagne est parvenue à rester sous la barre des 70%.

[02:52] – Emilie

Berlin fait également mieux que Paris en termes de balance commerciale, puisque la France a accusé en 2020 un déficit de 64,7 milliards d’euros. Là où l’Allemagne est parvenue à un excédent de 183,2 milliards d’euros. Un déficit commercial qui s’accumule depuis 20 ans pour la France et qui s’explique en partie par le recul du secteur industriel français, qui est passé de 17,5 du PIB en 1995 à seulement 11% en 2019. La France reste pourtant une puissance industrielle dans des secteurs clés comme l’automobile, l’agroalimentaire, le BTP, l’aéronautique et bien entendu avec Airbus ou encore l’énergie. Avec ses 56 réacteurs en activité, la France est par exemple une grande puissance nucléaire civile. Cette dynamique industrielle hexagonale s’appuie sur les 54 pôles de compétitivité lancés en 2004, qui permettent de favoriser l’innovation dans des secteurs spécialisés, comme c’est le cas pour la Cosmétique Valley, située entre Chartres et Orléans. Alors, parlons justement du marché Deluxe français qui se porte très bien. Quatre groupes tricolores figurent ainsi dans le top dix des plus grandes entreprises mondiales du secteur.

[04:23] – Emilie

LVMH arrive en tête, suivi par Kerry. Bing en seconde position, L’Oréal en cinquième ou encore Hermès à la neuvième place de ce classement. Mais à côté du très haut de gamme, l’industrie textile est en déclin. Plein en France, comme on peut le voir dans les régions historiques comme les Hauts de France. En 2021, le textile regroupe encore 2150 entreprises qui emploient plus de 60.000 personnes. Mais en 30 ans, ses effectifs ont été divisés par sept. En réalité, l’économie française est aujourd’hui dominée par le secteur des services, qui représente 80% du PIB, aux côtés des leaders mondiaux dans le domaine de la banque, des assurances ou encore de la grande distribution. On trouve le tourisme, qui représente 10% du PIB. Le climat océanique hexagonal s’y apprécié des touristes est également favorable à l’agriculture française, qui représente 3,6% du PIB et 5,6% de l’emploi, et fait ainsi de la France la première puissance agricole européenne et le sixième exportateur mondial. Enfin, territorialement, la France a un atout majeur elle est bien plus vaste que le seul Hexagone, Corse comprise.

[05:52] – Emilie

En plus de ses cinq départements et régions d’outre-mer. Avec La Réunion et Mayotte dans l’océan Indien, mais aussi la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, la France est également souveraine sur des collectivités comme Saint-Pierre-et-Miquelon, au large de Terre-Neuve, Saint-Barthélemy et Saint-Martin aux Antilles, mais aussi dans le Pacifique ou la France entend rester une grande puissance, comme nous le verrons tout à l’heure avec la Polynésie française, Wallis et Futuna et bien sûr la Nouvelle-Calédonie qui en décembre 2021, a voté contre l’indépendance à ces territoires. On peut ajouter les zones dédiées à la science que sont les Terres australes et antarctiques françaises. La France possède ainsi le deuxième plus vaste domaine maritime au monde après les États-Unis, mais devant la Chine. On l’aura compris, la France dispose d’atouts considérables diplomatiques, militaires, économiques ou scientifiques qui lui permettent de continuer de jouer un rôle important sur la scène internationale. Cependant, la place de la France dans le monde est aujourd’hui menacée par la montée en puissance de nouveaux acteurs, Chine, Inde notamment.

[07:09] – Emilie

Alors, pour continuer de peser dans ce monde multipolaire, la France compte sur l’Union européenne et c’est ce qu’on va voir maintenant. De janvier à juin 2022, la France exerce la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Membre fondateur, la France a toujours considéré l’Union comme une nécessité. Elle y fait 54% de ses échanges. La présidence Macron a plaidé en 2021 pour une plus grande intégration économique, avec le plan de relance post Covid-19 de 750 milliards d’euros. Un mécanisme de soutien historique rendu possible par l’intensité du dialogue entre Paris et Berlin. La France, qui a plaidé également, à l’occasion de sa présidence de l’Union, en faveur d’une Europe autonome au niveau stratégique, à la fois en terme technologique et militaire. Alors regardons justement la façon dont la France se positionne militairement dans le monde. Aux bases situées sur le territoire hexagonal et en outre-mer s’ajoutent des bases militaires en Afrique et aux Émirats arabes unis. Ainsi qu’un déploiement maritime en Atlantique Nord, dans le golfe de Guinée et dans l’océan Indien. S’agissant de la marine de guerre, la France se place au septième rang en termes de tonnage et elle est l’une des cinq flottes mondiales à disposer d’une dissuasion nucléaire embarquée permanente.

[08:35] – Emilie

Au total, en 2020, l’armée française comptait 205 700 personnels militaires, dont 30 000 étaient déployés en opération avec 400 militaires dans les pays baltes dans le cadre de l’OTAN. 720 casques bleus dans le cadre de mandat de l’ONU, notamment au Liban, en RDC ou encore en République centrafricaine. 600 militaires pour l’opération Chammal couvrant la Syrie et l’Irak et 5100 soldats. Enfin, dans le cadre de Barkhane, répartis dans la zone sahélienne entre la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Un. Dispositif militaire qui a été revu à la baisse par le président Macron à partir de juillet 2021, avec la fermeture de trois bases française située dans le nord du Mali, à Tessalit, Kidal et Tombouctou. Puis en février 2022, soit neuf ans après le début de l’opération Serval, pour repousser les forces djihadistes, Paris a confirmé le désengagement progressif des forces françaises installées au Mali. Il faut dire que la présence française en Afrique est remise en cause par de nombreux acteurs qui entendent bien prendre le relais des anciennes puissances coloniales comme la France.

[09:53] – Emilie

Exemple avec les Chinois qui, en 2021 ont des accords. Militaires avec six pays d’Afrique. On peut ajouter à cela les manœuvres russes qui ont déployé des mercenaires du groupe Wagner en République centrafricaine, mais aussi en Libye, au Soudan, au Mozambique. Et qui, début 2022, était en déploiement au Mali. En 2021. C’est aussi et surtout dans la zone Indopacifique que la France veut convaincre qu’elle demeure une puissance mondiale. Face à l’émergence des géants chinois et indiens, la France a commencé à se rapprocher de l’Inde et de l’Australie dans les années 2000 pour tenter de construire un axe stratégique Paris New Delhi, Canberra. Mais la crise diplomatique déclenchée en septembre 2001 par la création de l’alliance au cul entre Washington, Canberra et Londres contre Pékin et l’annulation du contrat de livraison à l’Australie de douze sous-marins français a bouleversé la donne régionale et les ambitions de Paris. Car l’Indopacifique abrite 93% de la zone économique exclusive française et 1,6 million de ressortissants répartis dans les divers territoires d’outre-mer. Un rapprochement avec l’Inde et d’autres pays de la région est toujours envisagé.

[11:17] – Emilie

Delhi a ainsi acquis 36 avions de combat Rafale du groupe Dassault en 2016, pour un montant de 7,87 milliards d’euros. Et Paris compte sur le renforcement de partenariats déjà engagés avec le Japon, la Nouvelle-Zélande, le Vietnam ou l’Indonésie pour tirer son épingle du jeu.

[11:39] – Emilie

Voilà. Sans doute la France est devenue, comme le disait l’ancien président Giscard d’Estaing, une grande puissance. Sous moyenne de rayonnement mondial à taux militaire et diplomatique incontestables. Mais dynamisme économique plus fragile, avec une influence culturelle et linguistique encore. En bien réel, on peut dire que la France dispose toujours des attributs de la puissance, mais qu’elle doit désormais. Mais dans un monde multipolaire dominé par des géants américains, chinois, indiens. Compter sur l’Union européenne et sur le multilatéralisme pour continuer de peser. Enfin la France a un handicap qui lui est propre une défiance envers les institutions et une peur de l’avenir beaucoup plus élevée que dans tous les pays européens de niveau économique comparable.

[12:35] – Emilie

Pour aller plus loin, cet ouvrage collectif, dirigé par le spécialiste des relations internationales Frédéric Chatillon, qui revient également sur ce penchant très français pour l’autodénigrement.

[12:45] – Emilie

Ainsi s’achève ce nouveau numéro du dessous des cartes. Rendez-vous bien sûr la semaine prochaine, même endroit, même heure. Et d’ici là, n’oubliez pas notre site Internet: arte.TV.  À bientôt.

 

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